Dos à Dos, 2014. Galerie Provisoire, la Villa Arson, Nice, FR
Poste audio in situ. Dispositif de captation sonore en direct (micro binaural, Mac mini, programmation Pure Data en coll. avec Christophe Barbeau), deux casques d'écoutes, banc en bois.
Images: Delphine Hébert-Marcoux
Des sons enregistrés à partir du banc face au hall sont diffusés dans les casques d’écoute placés au même endroit que la position initiale d’enregistrement. La diffusion de cette piste sonore pré-enregistrée alterne avec les sons captés en direct de l’intérieur de la galerie par les micros binauraux. Une programmation dans un logiciel (Pure Data) permet de gérer de façon aléatoire la permutation entre ces deux bandes sonores —deux espaces aux ambiances sonores distinctes— transformant ainsi la réception habituelle de l’espace dans sa relation son/image en des entités dégroupées.
Le poste audio Dos à dos est une œuvre sonore in situ qui explore notamment la relation dispositif/contexte. Présentée à la Galerie Provisoire du centre d'art de la Villa Arson (FR), la proposition s’insère dans le contexte de cette exposition, tant sur le plan de son environnement architectural qu’en ce qui concerne les conditions relatives à une présentation collective d’œuvres sonores.
Dans l’exposition, le poste audio présente deux paires d’écouteurs laissés à l’extérieur de la galerie sur un banc, à droite de l’entrée, dans le grand hall de l’édifice principal du centre d’art. Le dispositif audio de l’œuvre comprend une paire de micros binauraux, un enregistreur numérique, un ordinateur Mac mini et une programmation avec le logiciel Pure Data. Les micros binauraux, fixés de l’autre côté du mur mitoyen au banc, captent les sons de l’intérieur de la galerie (le bruit des visiteurs, leur voix, le son ambiant des autres œuvres audio exposées dans la galerie, etc.) qui sont transmis en direct dans les écouteurs sur le banc. Ce flux sonore est entrecoupé par des segments d’un préenregistrement — un plan-séquence d’une durée d’environ 3 min 30 s réalisé en captation binaurale à partir du banc dans le hall qui rassemble une conjoncture d’événements d’un certain intérêt sonore et narratif — dont les durées de diffusion alternent et varient entre 20 et 40 secondes selon une programmation aléatoire. Avec l’apport du flux en direct, cette trame sonore autogénérative se construit par l’évolution en continu du fil des événements.
Le plafond, très haut, et l’architecture singulière de ce hall monumental entièrement fait en béton offrent une vue d’ensemble, à partir du banc, sur les aires de circulations, les différents paliers et les entrées vitrées situées de part et d’autre du bâtiment. La position initiale de l’enregistrement étant la même que la position d’écoute, les sons trouvent ainsi leur ancrage dans le lieu réel, leur référence visuelle dans l’espace environnant. Lors de l’écoute, on distingue le changement d’acoustique caractéristique à chacun des deux espaces, alternant entre l’écho du hall et les sons plus définis de la galerie.
Vue du grand hall de la Villa Arson. Crédit photo : site officiel de la Villa Arson.
Ces deux espaces — le hall (l’espace devant nous) et la galerie (l’espace de l’autre côté du mur derrière nous) — et ces deux temporalités rassemblées par le son (le préenregistrement et la captation en direct de la galerie) se permutent ici dans une sorte de chassé-croisé. En faisant l’expérience de l’œuvre, l’alternance entre ces deux lieux, deux ambiances sonores distinctes, transforme la perception habituelle de l’espace dans sa relation son/image en des entités dégroupées; ce que l’on voit devant nous dans le hall est actuel, mais les sons qui y proviennent sont déphasés de l’expérience visuelle. Ce qui se déroule derrière nous dans la galerie est transmis en temps réel par le son (la captation sonore en temps réel), mais ce qui s’y produit est absent de notre champ visuel.
Il y a donc paradoxalement deux actualités : l’expérience visuelle du hall et le son en temps réel provenant de la galerie. L’œuvre, comme dispositif, dédouble l’impossibilité d’expérimenter simultanément les deux lieux.