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Studios de danse, 2018. Jaune Marine, exposition collective des étudiants de la maitrise, ancienne École des beaux-arts de Montréal, Montréal

Installation vidéo in situ. Structure de 8'X8'X8' en bois et en panneaux perforés, maquette à l'échelle 1 : 12 du lieu d'exposition et de la structure (MDF, table, acier, aimants, miroir), 2 projecteurs, une caméra vidéo, une bande sonore d'enregistrements sonores in situ (haut-parleur).

L’œuvre Studios de danse se déploie à partir de l’idée générale de situer, dans un lieu donné, une image vidéo tournée dans ce même lieu :  « en lieu réel ». L’installation, qui prend place dans l’une des deux salles symétriques — deux anciens studios de danse — propose une représentation en abîme du lieu investi durant l’exposition. Identiques, les deux salles sont séparées par un mur mitoyen dont les deux côtés sont recouverts de miroirs apposés sur toute la largeur. J’ai voulu travailler avec cette particularité, c’est-à-dire l’effet miroir qui donne l’illusion que les deux salles se prolongent l’une dans l’autre, et m’en servir dans mon dispositif pour en complexifier l’expérience.

 

Pour cette installation, une construction cubique — une structure en bois recouverte de panneaux de pegboard — est placée au centre de la salle, face aux miroirs, comme une pièce architecturale autonome. Un panneau manquant du recouvrement en pegboard permet d’entrer à l’intérieur. Une maquette, disposée au centre sur une table, représente la salle dans laquelle elle se trouve à l’échelle 1 : 12 (un pied dans l’espace réel vaut un pouce dans la maquette).

Dans cette réplique en abîme du lieu, on reconnaît les entrées, les miroirs muraux et, au centre, une reproduction de la structure de panneaux perforés. Une caméra est déposée dans la maquette et un projecteur est orienté vers le mur du fond de la maquette pour y diffuser en boucle et dans un circuit fermé des séquences vidéo filmées précédemment dans le lieu, incluant la maquette.  Cette projection montre, à échelle réduite, certains points de vue du lieu et certaines actions/situations en relation avec la structure, les miroirs et la salle jumelle; soit des captations du montage de la structure, de l’espace vide de la salle, de la salle jumelle, elle aussi vide puis ensuite habitée par les œuvres d’un collègue, ainsi que d’autres explorations vidéo avec la structure en relation à la  présence d’une personne, à son reflet dans les miroirs à partir de l’intérieur de la structure, etc.

Dans un même temps, la caméra disposée à l’intérieur de la maquette filme en direction des petits miroirs. Elle se trouve également à capter, à partir de ces miroirs, la réflexion de la projection sur le mur du fond de la maquette, mais aussi tout ce qui se trouve devant (entre), soit l’intérieur de la maquette, la reproduction en miniature de la salle et de la structure de panneaux perforés. Dans un même plan, on retrouve ainsi l’image réfléchie dans le miroir de la petite structure et de la projection sur le mur du fond de la maquette qui montre, elle, des images de la structure en taille réelle dans l’espace réel. Cette captation vidéo est retransmise en direct par un deuxième projecteur (le projecteur no.2, figure 20) placé plus loin dans la salle. Il projette en direction des miroirs du studio de danse qui, eux, réfractent une partie de cette projection sur le mur du fond de la salle, se retrouvant par la même occasion dans l’image réfléchie par les miroirs. La projection attrape au passage une partie de la structure véritable. L’ombre des visiteurs d’un côté ou de l’autre des panneaux perforés se mélange aux personnes dans la projection. La porosité du pegboard mobilise les différentes dimensions de l’expérience du lieu et du temps — l’intérieur, l’extérieur, la projection, l’espace réel — comme autant de « zones » distinctes qui s’interpénètrent et se mélangent. Le flux vidéo, traversant la maquette, les panneaux perforés, puis rebondissant sur les miroirs de la salle, rassemble sur son passage des fragments du réel. Dans un cumul final en flux, tout l’espace est habité par la coprésence de représentations de diverses sources (spatiale et temporelle) — le lieu réel, la maquette du lieu réel ainsi que l’autre salle identique, qui fonctionne métaphoriquement comme un reflet — qui se déploient dans l’espace dans une sorte de boucle ouverte.  

La présence autonome de la structure (au sens où elle pourrait être déplacée ou reconstruite ailleurs) fait en sorte qu’elle agit comme un lieu dans le lieu. Elle sert de référence et d’ancrage visuel pour la captation vidéo et le dispositif. À l’aide de la vidéoprojection dans l’espace de l’installation, ce lieu créé par la structure cherche à faire cohabiter en une même expérience la représentation du lieu et l’immédiateté du contingent.

 

L’utilisation de la projection « en lieu réel » soulève la question du contexte ou, plus précisément, des conditions générales reliées à l’architecture, à l’exposition, à la disposition et à l’aménagement des différents éléments déjà en place du lieu que j’investis. Ce contexte fournit les prédispositions à la base des décisions qui entourent la mise en espace de mon dispositif. Lorsqu’il est question d’installation, le lieu d’exposition est nécessairement impliqué dans la manière dont les œuvres sont conçues et la manière dont elles se déploient dans l’espace. Dans mon approche, le contexte est intégré physiquement, mais aussi conceptuellement puisque l’expérience du lieu est « réactualisée » par l’expérience de la structure spatio-temporelle de l’œuvre. 

L’œuvre Studios de danse fait donc côtoyer paradoxalement deux notions opposées : celle d’autonomie et celle d’in situ. Le principe de l’œuvre est autonome, c’est-à-dire que le dispositif de projection et la structure cubique de panneaux perforés sont reproductibles et déplaçables dans un autre lieu, mais le contenu des images vidéo provient du lieu pour lequel l’œuvre est destinée, lui donnant ainsi son caractère in situ (et immédiat). Le principe de la maquette lui est ambigu, puisque dans ce cas-ci, la maquette reprend dans un ratio déterminé arbitrairement les mesures et les caractéristiques du lieu que l’on reconnaît puisqu’elle y est exposée. Elle est donc déterminée par des données extérieures qui deviennent internes à l’œuvre. Mais l’idée, le principe, est autonome par rapport à un lieu donné; l’œuvre peut être reconstituée dans un autre lieu à condition d’ajuster la maquette pour reprendre sa place conceptuelle dans la structure.

Images: Delphine Hébert-Marcoux

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