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EDR: MIND THE GAP, 2015. Exposition collective des finissants du bac en arts de l’Université Laval, Le Réacteur, Québec

Dispositif de captation et de projection vidéo en direct. Caméra vidéo, projecteur, surface de projection en mdf, miroir.

Images: Delphine Hébert-Marcoux

Dans cette troisième itération, EDR : MIND THE GAP, les boîtes murales sont disposées l’une au-dessus l’autre, en hauteur, sur un des murs longés par le rail du poste audio mobile MIND THE GAP, une œuvre sonore présentée conjointement lors de l'exposition. Le dispositif de vidéoprojection, installé au plafond, fait face au miroir en hauteur. Il transmet sur la surface de projection (placée juste en dessous) les images réfléchies par le miroir, c’est-à-dire une partie de la cour intérieure et des personnes qui circulent dehors aux abords d’une grande porte ouverte. 

De notre point de vue, à partir du sol, c’est la caméra et le projecteur que l’on voit réfléchis dans le miroir, mettant ainsi le système du dispositif à découvert. À un autre moment durant l’exposition, le reflet de la porte, une fois fermée, révélera un X tracé dans l’un des carreaux de fenêtre. Il s’agit d’une actualisation de Tape Poem (1969-2014)[1] de John Perreault réalisé par mon collègue Christophe Barbeau en lien avec sa propre proposition pour l’exposition. L’acte de poser le X est enregistré antérieurement à l’ouverture de l’exposition et est réactualisé dans l’une des pistes sonores du poste audio mobile MIND THE GAP à notre arrivée, avec les écouteurs, dans cette section du lieu. Par les qualités de l’enregistrement binaural, la spatialisation des sons nous renvoie directement aux éléments objectifs dans l’espace : à gauche le X dans la fenêtre, à droite la réflexion du X dans le miroir captée par la caméra et projetée sur la surface de projection plus bas, faisant directement face au X dans la fenêtre.

Concernant une des images, celle où l'on voit sensiblement la même image dans la projection que dans le miroir, il est à noter que le spectateur n’a pas accès à cette «version» de l’œuvre. Ce que le document montre ici ne fait pas partie de l’œuvre « telle qu’expérimentée par le visiteur ». Il s’agit plutôt d’une démonstration de ce que l’on verrait (globalement) si on se rapprochait de la caméra, de son point de vue. Comme spectateur, on peut déduire ce que l’on verrait en haut (dans le miroir) si on était là, puisque c’est représenté en bas dans la projection. C’est le principe même de l’œuvre. La projection est une représentation du point de vue de la caméra, donc on sait en principe que lorsqu’on s’en approche, l’image que l’on voit dans le miroir sera de plus en plus similaire à l’image de la projection. Étant donné que le document ici est une représentation de ce que la caméra voit, il ne fait pas partie de la documentation du projet « tel qu’expérimenté par le visiteur ». La documentation photo utilise le point de vue tout comme mon œuvre. Les médiums de la documentation et ceux de mon travail alors se confondent. Comme mon travail parle de points de vue, la documentation photo ou vidéo crée un point de vue qui s’ajoute, d’une certaine façon, à l’œuvre.

(Le miroir comme espace double)

 

La série de projets EDR mobilise les caractéristiques spécifiques du miroir; il réfléchit l’espace, le renverse et décuple ses points de vue. L’intérêt du miroir, pour moi, se situe au niveau des propriétés de son fonctionnement, notamment de la pertinence de son rôle dans la représentation et le travail in situ. Il y a là quelque chose de paradoxal dans sa particularité d’être à la fois une surface et un espace : il est double. 

 

Donc un irréel réel, ou un réel plus complexe, qui inclut l’irréel à même sa réalité.

(La re-présentation de l’espace en direct : miroir versus vidéoprojection) 

 

Mis en relation, le miroir et la projection vidéo in situ en direct ont, dans la série EDR, tous les deux la propriété de retransmettre en temps réel l’image de l’espace capté « en lieu réel » (je reviendrai sur l’emploi de l’expression), mais dans des manifestations suivant des principes différents. Le miroir re-présente l’espace directement, mais réfléchi (inversé) et dans un flux qui correspond à celui du regardeur. La vidéo, elle, est autonome par rapport au spectateur et les paramètres de sa retransmission sont variables; écran divisé ou multiple, image agrandie ou rapetissée, etc. L’artiste américain Dan Graham, dont certaines des œuvres composent avec ce principe, décrit cette différence avec justesse :

 

Physiquement, le miroir et la vidéo fonctionnent différemment dans leur manière de transmettre des informations pour le récepteur et son environnement. L’image du miroir répond, optiquement, aux mouvements d’un observateur humain et varie selon sa position. Au fur et à mesure que l’observateur s’approche, le miroir ouvre le champ plus grand et plus profond sur l’environnement de la pièce et grossit l’image de celui qui perçoit. L’image du miroir est liée, subjectivement, au temps/à l’axe de l’espace de celui qui perçoit. Au contraire, une image vidéo ne dépend pas de la situation (être dans le champ) du récepteur. L’image vidéo peut être transmise instantanément (ou en différé), à distance, à un écran de contrôle fixe qui peut être proche ou éloigné de la situation du récepteur dans le temps ou dans l’espace. 


Dans chacune des trois itérations du projet EDR, la cohabitation de l’espace réel actuel, de la réflexion de cet espace (circonscrit par/dans le miroir) et la représentation de cet espace cadré dans la vidéoprojection, concrétise la différence entre ces deux principes d’images en une expérience élargie du lieu dans la durée.

[1] Tape Poem (1969-2014). «Tape Work II: Avec un ruban adhésif de masquage, former un grand X sur une seule fenêtre d'une salle donnée (ceci n'est pas un œuvre performative. La manœuvre doit être réalisée, si possible, sans que quiconque ne soit présent) » John Perreault.

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