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À partir du mur, 2019. double/doubles, exposition satellite du Mois Multi, 644 St-Joseph Est, Québec

Installation vidéo in situ. Panneaux perforés, bois, projecteurs vidéo, chariot automatisé sur rail,(moteur, Arduino, Raspberry Pi, PiCam, interrupteurs ) téléviseur, miroirs, bancs en bois, boucle vidéo à 2 canaux indépendants (22 min).

Commissaires : Charlotte Boisvert-Simard et Delphine Egesborg

Crédits photos: Idra Labrie, Delphine Hébert-Marcoux

L’installation À partir du mur a été réalisée à l’occasion de l’exposition collective double/doubles dans le cadre de la programmation satellite du Mois Multi (2019) à Québec. 

À notre arrivée dans l’installation, on pénètre dans une zone légèrement surélevée par rapport à la première section de l’exposition. L’espace est plongé dans une pénombre dont la luminosité varie par la présence d’une projection sur un long mur de panneaux perforés qui sert d’écran et que l’on découvre à notre droite; à gauche, des miroirs fixés au bas du mur forment une sorte de bande discontinue opposée à la projection. Au centre, un banc placé là nous incite à nous asseoir pour regarder le film. D’une certaine évanescence, ce film met en scène des images du lieu, plus précisément des images comportant la structure sur laquelle il est projeté incluant les éléments qui se trouvent à proximité, devant, derrière et sur chaque côté. On y voit la cloison perforée elle-même et ce qu’elle laisse transparaître derrière par la trame des trous, telles deux images superposées (le réel et la projection) : les lumières au plafond, le mur et le foyer de brique, les poutres de bois et l’ancienne charpente d’une fenêtre et d’un cadre de porte. Devant et derrière l’écran et d’un bout à l’autre du couloir formé par celui-ci, deux chiens rottweilers vont et viennent pendant qu’une personne (moi-même) s’affaire dans le lieu à diverses tâches (éclairage, balais). 

Les chiens assurent une libre présence dans l’image dont la fonction est de signifier de façon constante et aléatoire la nature spatio-temporelle de la projection. 

Alors que le passage a été laissé ouvert pour le tournage, la surface qui fait écran est ensuite fermée à l’une de ses extrémités par l’ajout d’une autre section de pegboard, donnant l’effet d’un volume diaphane qui s’avance dans la pièce et qui encoffre une partie de l’espace chargée de ces éléments distinctifs.

Le film — cette vidéoprojection « en lieu réel » — est formé par deux projections côte à côte, deux boucles vidéo diffusées indépendamment l’une de l’autre (non synchronisées), mais provenant de la double captation d’un même ensemble d’actions qui s’est déroulé préalablement dans le lieu de l’installation. Ces moments ont été captés de deux points de vue fixes, deux caméras placées de part et d’autre du banc, orientées vers le mur de panneaux. Les caméras seront éventuellement remplacées par deux projecteurs dans l’exposition.

Comme les deux plans-séquences d’environ 20 minutes chacun n’ont pas exactement les mêmes durées, et puisque d’autres scènes ainsi que des plans noirs ont été insérés au montage, les deux projections situées se désynchronisent dans le temps de l’action : les passages se dissolvent d’un côté à l’autre, les chiens jumeaux se dédoublent, etc.

 

Cependant, un élément fixe du décor et dont la présence est constante (ou presque) dans l’image lie formellement les deux projections : le banc. Ce même banc sur lequel nous sommes assis est à la fois un mobilier d’exposition et un élément de la scénographie utilisé lors du tournage. Il se trouve à moitié dans chacune des deux prises vidéo. Lors de la projection, la moitié gauche et la moitié droite du banc sont raccordées par la jonction des deux images, donnant la sensation d’une continuité visuelle, mais également temporelle et qui semble se détacher du reste de l’image en mouvement. L’image complétée du banc semble invariable aux différents moments des vidéos, comme si elle appartenait à une autre réalité (temporalité) que celles par lesquelles elle est obtenue. Ainsi, les deux boucles vidéo évoluent indépendamment l’une de l’autre dans ce film qui en pratique (dans sa totalité) n’est jamais le même. Si l’image du banc reconstituée semble appartenir à une autre réalité, indépendante de celle en mouvement dans la projection, il ne s’agit néanmoins pas plus du même banc que celui sur lequel nous sommes assis là, à contempler cette image dans laquelle nous sommes résolument absents. 

Il s’agit d’un film, comme au cinéma, mais dont les éléments de la fiction s’approprient une partie de notre réalité déliée, jusqu’à créer un doute sur la nature de la présence des figurants dans l’image; ils sont parfois des visiteurs, leurs ombres, ou parfois des protagonistes de la projection. Ce qui n’est pourtant pas le cas des rottweilers qui, comme d’un autre monde, ne sont absolument pas là et dont l’absence dans cet espace que l’on partage s’écrit avec un grand « A ».  

(Dans un deuxième temps...)

Dans le parcours naturel de l’exposition, le passage qui emprunte l’ouverture de la porte de l’ancienne charpente du bâtiment nous conduit vers l’autre côté de l’écran, dans cet espace que nous percevions depuis le banc, comme de l’extérieur. La cloison perforée délimite un couloir dans lequel on peut circuler et s’asseoir, au bout, sur la version « une place » du banc de la projection. C’est en passant dans cet envers du décor que l’on découvre un deuxième temps de l’installation. 

Une caméra en mouvement arpente le bas du mur perforé. Il s’agit du même dispositif de caméra sur rail développé dans le projet Résidence LCB. En mouvement (travelling latéral), la caméra filme au ras du sol à travers les trous des panneaux l’espace devant elle, notamment les miroirs alignés sur le mur du fond. L’image captée, dont l’effet stroboscopique est dû au passage de l’objectif en déplacement devant les trous, est diffusée directement dans un moniteur déposé au sol à côté d’elle; on y voit les pieds des visiteurs, puis le banc, puis également le reflet dans les miroirs dans lequel le banc et les pieds des visiteurs apparaissent une deuxième fois, cette fois-ci au côté des rottweilers qui figurent dans la réflexion de la projection. Comme nous nous retrouvons de ce côté de l’écran ajouré, « derrière » la projection translucide, l’image de notre silhouette réfléchie dans les miroirs s’y mélange également. 

La caméra, en filmant à travers l’écran les miroirs au bout de la salle, se trouve à rassembler dans une même réalité virtuelle toutes ces couches d’images et de temps. La superposition de l’image vidéo sur l’écran perforé se mélange à l’espace réel qui se trouve de l’autre côté du mur et que l’on regarde à l’instant sur le moniteur. Par un jeu de miroirs et de parallaxes avec la caméra, la superposition des images projetées, réelles et réfléchies engage notre expérience de l’espace et de la présence dans un rapport complexe, partant du souvenir de notre présence dans l’autre espace, contemplative, qui bascule dans un état d’immersion, une sensation accrue d’être dans un lieu.

Images et montage vidéo: Delphine Hébert-Marcoux

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